Situé au cœur de l’Ecole Vétérinaire de Maisons-Alfort en région parisienne, le musée Fragonard est aussi singulier que sa localisation. Car en plus d’une collection d’anatomie historique et d’une muséologie restée dans l’esprit du XIXe siècle, l’établissement doit aussi et surtout sa renommée à ses Ecorchés, dont la vue fait tout autant frissonner que leur nom. Visite dans le monde de la science et de ses dérives.

Ce qu’il faut savoir

En 1766, le Roi créé une école vétérinaire, qu’il installe dans un cabinet d’histoire naturelle et d’anatomie comparée ouvert à la visite. Il nomme comme premier directeur Honoré Fragonard, chirurgien et cousin du peintre Jean-Honoré Fragonard. C’est ce dernier qui réalisera les Ecorchés, œuvres du XVIIIe siècle à mi-chemin entre la sculpture et le modelage du corps.

A l’image des créatures de Fragonard, le lieu a alors deux missions : impressionner le public et former les étudiants à l’étude vétérinaire. Deux courants s’opposent alors : les savants favorables à l’étude des corps et ceux favorables à l’étude de cire anatomique. Les scientifiques font des parallèles entre les organes, et non pas entre les espèces, en mettant en avant les différences et les points communs pour chacun d’eux. La multiplication des exemples sert de point de référence.

Rapidement, l’établissement gagne en notoriété, et des visiteurs accourent du monde entier. Le succès fait grossir les collections et le musée déménagera en 1829 puis en 1903, mais conservera sa vocation pédagogique : les objets servent pour les démonstrations en amphithéâtre. Une importante bibliothèque complète la formation des étudiants vétérinaires. A partir du XXe siècle, la médecine évolue, et le lieu tombe en désuétude. Germe alors l’idée d’en faire un musée ouvert au public, ouvert en 1991. Les curieux se pressent dans les allées de l’école vétérinaire pour découvrir les collections du musée. Et pour satisfaire le public mais également conserver l’âme de l’établissement, des rénovations sont lancées en 2007 et 2008 pour rendre au musée son aspect de cabinet de curiosités, avec ses bizarreries et ses « monstres ».

La visite

Visiter un musée de médecine de la fin du XVIIIe siècle peut s’avérer une expérience assez marquante. Car avant de devenir la médecine que nous connaissons, il y a eu bien des tâtonnements, notables à travers la présentation académique des moulages et des ossements.

Vue sur les collections

A musée particulier, ambiance particulière. A peine la lourde porte poussée, nous nous retrouvons immédiatement au milieu des vitrines. Seul le petit bureau en face de nous représente un point de repère familier et rassurant : une figure humaine au milieu de ses représentations anatomiques. Un audioguide en main, nous débutons notre visite, un peu perdu et presque inquiet : qu’allons-nous y découvrir ? Un rapide coup d’œil confirme nos craintes : de très grandes vitrines remplies d’objets inidentifiés à perte de vue.

La visite commence assez soft...

... puis on change de registre

Alors qu’habituellement nous boudons l’audioguide, nous jugeons rapidement que nous avons besoin d’aide pour comprendre le musée, les collections et la présentation sont bien loin de nos critères muséaux actuels. L’expérience change alors radicalement et la visite devient une balade enrichissante dans la recherche médicale de la fin du XVIIIe siècle.

L’antre des fioles de formol

Crâne d’un vieillard de 60 ans, la mention fera plaisir à certains...

Des moulages, des ossements, des squelettes se révèlent autant des objets artistiques que des œuvres pédagogiques. A travers les 4 salles, qui semblent monter dans l’horreur, la visite est en fait construite autour de l’initiation, chaque salle devenant une spécialité à acquérir avant de passer à l’étape suivante. Nous nous sommes rapidement laissés prendre par ce parcours singulier et tellement enrichissant. C’est tout une façon de voir le monde, d’appréhender le vivant et de comprendre les pathologies qui est développée.

Les maladies osseuses, toutes aussi impressionnantes que les fioles de formol

Comprendre les différentes zones du crâne: la fonction pédagogique des collections

Une formation express qui trouve son point culminant devant les Ecorchés. Prisonnières d’une porte en verre et de leur épaisse vitrine, les figures humaines et animales nous ont intimidés, nous figeant, nous aussi, pour quelques instants sur place. Dans notre monde où tout peut être faux, comment percevoir ces sculptures ? Notre fidèle allié l’audioguide devient alors un accessoire, que nous n’activons que pour avoir une confirmation : oui ce sont bien des êtres animés, dépouillés et charcutés après leur décès pour faire avancer la science. Déconcertants, voire choquants, les Ecorchés ne peuvent laisser personne indifférents. Certains en retiendront l’histoire de la médecine, mais pour nous, ceux qu’on surnomme les Petits Trésors de Fragonard sont l’illustration encore actuelle de l’instrumentalisation de la vie.

Foetus dansant

Buste d’un écorché

Le cavalier, sans doute l’œuvre la plus saisissante du musée

Et si le musée était bien plus actuel qu’il n’y parait?

Mon avis

Des ossements, des bocaux au formole avec des difformités à l’intérieur et un face-à-face avec un écorché aux yeux globuleux, l’offre du musée ne fera pas rêver tout le monde. Pourtant, le musée est une vraie pépite, un petit trésor niché en plein cœur de l’école vétérinaire de Maisons-Alfort. Chacun y aura sa propre expérience, sa propre vision, et sa propre conclusion.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Honor%C3%A9_Fragonar...

https://www.vet-alfort.fr/domaine-d-alfort/musee-f...

- Visiteurs individuels :
moins de 26 ans : gratuit
plus de 26 ans : 8 euros/personne (avec audioguide)

- Groupes :
scolaires : 3 euros/enfant (-18 ans)
particuliers : 6 euros/personne (adultes et enfants)

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