On a testé la série Trotski
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  • Description
  • En 2017, à l’occasion du centenaire de la Révolution russe, la première chaine de télévision russe, Pervy Kanal, a diffusé une série sur l’un des personnages-clefs de son histoire : Léon Trotski. Disponible sur Netflix depuis ce début d’année 2020, le programme a fait grincer des dents bien des spécialistes. Accusée de relecture de l’histoire, de service le gouvernement de Poutine, la série ne brille pas non plus par sa réalisation.

    Ce qu’il faut savoir

    Si comme moi vous ne connaissez Léon Trotski que par vos cours d’histoire au lycée, vous aurez la grande surprise de découvrir que la bibliographie de l’ennemi de Staline est bien plus fournie que la place anecdotique qui lui est laissée dans nos livres d’Histoire.

    Pour faire court et simple, Léon Trotski, de son vrai nom Lev Bronstein, est né en Ukraine dans une famille d’exploitants agricoles juifs. Issu de la classe moyenne, il peut se rendre à Odessa pour y étudier. Il y évolue dans les cercles marxistes et les milieux révolutionnaires. Il s’associe à la création du parti ouvrier social-démocrate russe et il est arrêté en 1898 suite à des manifestations. Déporté en Sibérie en 1900, il parvient à s’enfuir deux ans plus tard, en prenant l’identité du directeur de la prison. C’est durant son incarcération qu’il épouse sa première femme, la militante Alexandra Lvovna Sokolovskaïa.

    Réfugié à Londres, il y rencontre Lénine, entre dans le comité de rédaction de l’Iskra et s’investit dans la politique russe. En 1905, il est de nouveau arrêté en Russie suite à une première tentative de révolution. Emprisonné, il parvient encore une fois à s’évader et à rejoindre l’Europe. Il se rapproche de Parvus, et ensemble, ils définissent la théorie de la Révolution permanente. De retour en Russie, Trotski se range du côté des bolchéviques (membre du parti « communiste ») et s’investit dans la Révolution de 1917. Proche collaborateur de Lénine, il en devient son commissaire aux affaires étrangères, puis à la guerre. Il fonde l’Armée Rouge en sillonnant le pays à bord de son train personnel. Celle-ci jouera un rôle déterminant dans la victoire des Soviets (conseil d’ouvriers, de paysans… aux idées progressistes).

    A la mort de Lénine, Trotski tombe en disgrâce et est chassé de Russie en 1929. Il s’exile dans plusieurs pays d’Europe avant de trouver refuge au Mexique, où il fonde la IVe Internationale. Les grandes purges organisées en URSS dans les années 30 déciment en très grandes parties sa famille. Il est à son tour assassiné en 1940 par un agent de Staline.

    Trostki reste associé à l’image de la terreur dans le pays. Staline fera d’ailleurs effacer toute trace de l’ancien militant, pour minimiser son rôle dans l’instauration du régime communiste mais aussi pour cacher leur proximité passée (60 ans avant l’invention de photoshop). Tous les ingrédients étaient donc là pour offrir une excellente série sur ce personnage controversé.

    Ce qui fonctionne

    La série repose sur 3 piliers : le sexe, la violence et le rythme soutenu. Les trois réunis donnent une série dynamique, qui capte l’attention du spectateur et qui lui évite de s’ennuyer.

    Autre bon, la construction est bien pensée, et l’idée des retours en arrière constant offre un traitement intéressant. On notera aussi la présence de personnages historiques-clefs de leur époque, comme Freud et Frida Khalo, avec qui en effet, Trotski a eu une liaison secrète.

    Ce qui ne fonctionne pas

    Au-delà des critiques sur la véracité historique, qui ont parfaitement été développées par Slate, la série multiplie les erreurs rythmiques et psychologiques au point de perdre le spectateur.

    La série va trop vite, les images défilent à la même vitesse que le train de Trotski, laissant le spectateur contemplatif. Il ne retient que les bains de sang, l’appel à la violence, et l’assassinat, qui a été complètement réécrit. Dommage, surtout quand on sait que Trotski a été tué par Mercader d’un coup de piolet derrière le crâne. L’arme avait été cachée sous l’imperméable de l’agent infiltré, et Natalia s’était d’ailleurs étonnée que leur invité ait revêtu ce vêtement alors qu’il ne pleuvait pas. Bref, il en avait des choses à raconter, des points à détailler et une fin bien assez tragique pour ne pas frôler le hors sujet.

    On regrette également l’absence d’interrogation sur la personnalité de Trotski, qui est complètement lisse du début à la fin de la série. Les témoignages le décrivent comme froid et sanguinaire, un meilleur jeu d’acteur s’imposait donc, au moins pour aimer le détester et non pour le contempler sans rien éprouver aucune émotion. On pense notamment à l’excellent travail sur la psychologie de Cunanan dans l’Assassinat de Gianni Versace. Les deux séries se ressemblent dans leur construction et dans leurs intentions, mais les points de comparaison s’arrêtent là.

    L’Histoire offrait plus qu’une bonne base aux producteurs. Elle leurs était servie sur un plateau en argent, et ils n’avaient véritablement qu’à se servir. Mais une fois encore, la réécriture a été plus forte que l’éducation, en très grande partie car cette vision de Trostski sert les mythes fondateurs de la Russie actuelle.

    Mon avis

    Si vous vous demandez comment l’Histoire peut servir la propagande d’un régime, cette série est pour vous. Un grand méchant dont la psychologie nous échappe, de pauvres révolutionnaires tués sans pitié pour service les intérêts de quelques-uns et des spéculateurs occidentaux, qui ne pensent qu’à l’argent et au sexe.

    On zappe sauf si on veut développer son esprit critique.


    http://www.slate.fr/story/173826/trotsky-serie-netflix-histoire-union-sovietique-russie

    http://www.toupie.org/Biographies/Trotski.htm

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