Ce que la culture doit à l’Union Européenne
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  • Suite au choix fait par nos voisins anglais de sortir de l’Union Européenne, DéMUSEElé a choisi de consacrer un article aux politiques culturelles mises en place et soutenues par Bruxelles. Souvent accusées de favoriser la disparition des identités nationales au profit d’une identité européenne, les actions de l’UE sont, bien au contraire, plus protectrices envers la diversité que celles des pays concernés. Analyse de quelques éléments d’une politique de coopération au service de la richesse culturelle.

    Naissance d’une politique culturelle

    L’idée d’une union des pays européens naît au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Un premier traité, dit de Bruxelles, est signé en 1948, suivi d’autres, qui conduiront à la naissance de l’Union Européenne. Absente des premières décisions économiques, la culture va pourtant se développer en parallèle de cette construction européenne. En 1954, une convention visant à sauvegarder la culture voit le jour. Encore en vigueur, tous les pays membres en sont signataires.

    Si peu de choses sont faites durant les décennies 60, 70 et 80, dans les années 1990, une véritable politique culturelle est mise en place. La première mesure concerne le monde patrimonial, où il est décidé de créer de grands événements européens, comme les journées européennes du patrimoine, la ville européenne de la culture ou des itinéraires culturels transnationaux. Une politique financière vient appuyer la volonté de Bruxelles de soutenir l’accès à la culture, en offrant aux jeunes européens des tarifs préférentiels dans des musées ou des sites patrimoniaux.

    En 2009, le traité de Lisbonne vient véritablement définir les missions de l’Europe. Refusant la disparition des identités culturelles tout en souhaitant favoriser le sentiment d’appartenance à une nation européenne, le traité offre une protection de la diversité culturelle, comme le souligne l’article 3 du paragraphe 3 :

    « L’Union respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen ». La protection des langues régionales et minoritaires devient centrale dans la politique culturelle.

    En 2014, le programme Europe créative, établi sur 7 ans, ajoute à ses missions de protection culturelle et linguistique, la valorisation du secteur audiovisuel et bibliothécaire, proposant ainsi des subventions pour la promotion du cinéma européen et pour la conservation et la numérisation de ses bibliothèques (Europeana).

    Enfin, l’Europe soutient aussi des projets d’échanges comme Erasmus, Erasmus Mundus ou Leonardo, offrant aux étudiants la possibilité d’aller étudier à l’étranger.

    Aujourd’hui, l’UE soutient la culture à travers les missions suivantes :

    • - promouvoir la création dans sa diversité et contribuer au développement économique de ces secteurs ;
    • - renforcer le sentiment d’appartenance à une communauté européenne, dans le respect de la diversité des traditions et cultures nationales et régionales ;
    • - faciliter l’accès du citoyen européen à la culture, en tant que facteur d’intégration sociale :  danse, opéra, peinture, sculpture, photographie, architecture, patrimoine mobilier et immobilier, audiovisuel (télévision, multimédia, édition électronique...) 
    •  - soutenir les échanges culturels non commerciaux ;
    •  - exploiter le potentiel d’emploi du secteur culturel ;
    •  - promouvoir la diversité culturelle des pays de l’Union ;
    •  - contribuer au rayonnement de la culture européenne dans le monde.

    L’Europe n’intervient que sur demande du pays concerné et n’impose pas ses décisions. Ainsi, la France n’a pas du ratifier la Charte de protection des langues régionales.

    L’engagement dans le monde muséal et patrimonial

    Dès 1991, une série de financements et de politiques est mise en place pour promouvoir le patrimoine culturel. Les journées européennes du patrimoine, crées en 1984 en France et reprises par le Conseil Européen en 1991, se déroulent désormais dans les 28 pays de l’Union et dans une cinquantaine de pays dans le monde. Le thème choisi est valable pour l’ensemble des pays européens. Cette année (2017, la réflexion se fera autour de la citoyenneté.

    En 1987, l’Europe met en place un label pour les itinéraires culturels européens. Il s’agit des chemins de randonnée qui présentent un intérêt historique ou culturel qui sont reconnus et protégés, comme le chemin de Compostelle (1987) ou Iter Vitis, la route des vignes (2009).

    Créé en 2008, le prix du patrimoine culturel de l’UE, qu’on appelle aussi Europa Nostra, est remis chaque année pour une initiative de conservation ou de valorisation jugée innovante. En 2014, ce sont le musée Horta (Belgique) et les oliveraies de Senia (Espagne), qui ont été primés.

    Enfin, en 2009, l’Union Européenne décide d’instaurer aux jeunes résidants d’un des pays membres, la gratuité de certains musées et monuments. En France, il s’agit d’environ 150 établissements, pour un coût estimé de 30 millions d’euros (gratuité enseignants incluse). La mesure semble porter ces fruits, puisqu’une hausse de 15% de la fréquentation des jeunes a été remarqué dans les établissements pratiquant cette mesure[1].

    Pour répondre à ces engagements, le Fond Européen a ainsi investi, entre 2007 à 2013, 3,2 milliards d’euros dans le patrimoine et 1,2 milliard d’euros pour le patrimoine rural. 

    Sur le plan juridique, l’UE lutte contre la spoliation des biens culturels. Elle a instauré des procédures de restitutions de biens qui sont définis comme trésors nationaux et facilite le retour des œuvres, en favorisant la coopération des autorités compétentes. En 2015, les douaniers français ont saisi sur un navire accosté en Corse un tableau de Picasso appartenant à un banquier espagnol, mais déclaré trésor national espagnol. Le tableau, en partance pour la Suisse, a pu être intercepté[2].

    Aider le cinéma et l’audiovisuel

    Soucieuse de préserver le patrimoine cinématographique autant que le patrimoine bâti, l’Europe s’est profondément investie dans la conservation de celui-ci. Un certain nombre de règles ont été instauré pour permettre à l’audiovisuel de circuler de manière libre et équitable en UE. Ainsi, on retrouve des chaînes télévisées étrangères sur nos canaux français. Une politique de sauvegarde des archives cinématographiques est actuellement en place.

    L’Europe est signataire d’une convention avec l’UNESCO pour garantir la protection et la promotion de la diversité culturelle. Elle a obtenu une dérogation qui lui permet de limiter l’importation de produits culturels, en faveur des produits européens.

    Enfin, une aide est versée aux pays membres pour encourager les tournages sur le sol européen. Ce qui explique pourquoi on estime que le Brexit risque de délocaliser un certain nombre de projets audiovisuels, à commencer par la série Game of Thrones, tournée en partie en Irlande du Nord[3].

    Pour répondre à ces mesures, l’Union a lancé le projet « Europe Créative » en 2014.  Un budget de 1,4 milliard d’euros est consacré aux secteurs audiovisuels et culturels.

    La protection des langues régionales

    En 1992, le Conseil de l’Europe met en place une convention pour la protection et la promotion des langues historiques régionales et des langues des minorités en Europe, au titre de la préservation de la diversité. Cette mesure vise à sauvegarde une culture immatérielle menacée par la langue nationale ou des mouvements de populations. Bien qu’imparfaite, car elle exclut les dialectes, la mesure a permis entre autre l’apparition de panneaux de signalisation bilingues ou de chaînes de télévision en langue régionale.

    Suite à la ratification de cette convention, 7 langues ont été protégées en Angleterre, mais elles se trouvent désormais fragilisées par le Brexit.

    Bien que signataire de la charte, la France a choisi de ne pas la ratifier, pour des questions d’unité et d’égalité du peuple français et d’indivisibilité de la République. A noter qu’en France, la langue minoritaire ou régionale la plus parlée est le créole. Une reconnaissance qui pourrait être compliquée par son caractère extra-européen... L’Europe a tout de même recommandé à la France de ratifier la Charte.

    L’Europe a réussi à développer des politiques culturelles, qui bien qu’imparfaites, offrent une protection variée et efficace, en répondant aux attentes des différents secteurs. Des mesures qui risquent de manquer à la culture anglaise…



    Notes

    [1] http://www.lemonde.fr/culture/article/2009/07/31/la-gratuite-des-musees-etendue-a-tous-les-jeunes-residant-dans-l-ue_1224829_3246.html

    [2] http://www.lefigaro.fr/arts-expositions/2015/08/04/03015-20150804ARTFIG00049-un-picasso-estime-a-25-millions-d-euros-saisi-en-corse.php

    [3] http://www.lepoint.fr/culture/le-tournage-de-game-...



    Sources

    http://www.europedia.moussis.eu/books/Book_2/4/10/...

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Politique_culturelle...

    http://www.touteleurope.eu/les-politiques-europeen...

    http://ec.europa.eu/culture/policy/culture-policie...

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Charte_européenne_de...

    http://ec.europa.eu/languages/policy/linguistic-di...

    http://europa.eu/pol/av/index_fr.htm

    http://www.touteleurope.eu/actualite/comment-l-eur...

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Prix_du_patrimoine_c...

    http://www.lemonde.fr/culture/article/2009/07/31/l...

    http://www.lefigaro.fr/arts-expositions/2015/08/04...

    http://www.lepoint.fr/culture/le-tournage-de-game-...

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