​Carlos, rey emperador : on zappe ou on mate ?
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  • Diffusé entre septembre 2015 et janvier 2016 sur la TVE, la série s’attèle à un personnage-clef de l’Histoire espagnole et européenne : Charles Quint. Boudé par le public espagnol, le programme a pourtant de nombreuses qualités, à commencer par une bonne fiabilité historique.

    Qui est Charles Quint (1500 – 1558)

    Carlos, rey imperador, série, Charles QuintCharles Quint à Mulhenberg, Le Titien, Prado

    Né à Gand en Belgique, le futur Charles Quint est le fils de Philippe de Hasbourg, dit le Beau (fils de l’Empereur Maximilien) et de Jeanne 1ere de Castille, dite la Folle (fille de Isabelle de Castille, dite la Catholique). Il est également l’arrière-petit-fils de Charles le Téméraire, dernier duc de Bourgogne, dont il reçoit le prénom.

    Issu d’une lignée prestigieuse, le petit Charles obtient ainsi de sa grand-mère maternelle la Castille, la Navarre (rattachée à l’Espagne en 1516) et les Indes ; de son grand père-maternel l’Aragon, la Catalogne, Valence et Naples ; de sa grand-mère maternel, la Bourgogne et de son grand père-paternel l’Autriche et l’élection de Francfort. Un territoire immense, que Charles Quint parcourra toute sa vie, les spécialistes estimant qu’il a passé 1/3 de son règne sur les routes.

    Carlos, rey imperador, série, Charles QuintL’Empire européen de Charles Quint en 1547

    Il est élevé avec ses frères et sœurs par sa tante, Marguerite d’Autriche, à Malines aux Pays-Bas. Charles Quint devient roi du royaume d’Espagne en 1516, puis Empereur des Romains en 1519.

    Le XVIe siècle introduit de grands changements : la Réforme protestante initiée en 1517 par Martin Luther trouve un écho particulier dans les Pays germaniques et anglo-saxons. Le modèle de la banque initiée en Italie se répand, et permet aux Pays-Bas bourguignons de devenir la première place financière mondiale. Les croyances et les concepts du Moyen-Âge laissent doucement place à la Renaissance, que Charles Quint refusera contrairement aux autres souverains d’Europe.

    Charles Quint a 5 frères et sœurs, qui occupent des places stratégiques en Europe, et qui assurent à l’Espagne et à l’Empire une grande stabilité et de nombreuses alliances. Eléonore, (1498-1558), épousera Manuel Ier du Portugal puis François Ier de France. Isabelle (1501-1526) s’unira à Christian II de Danemark, tandis que Ferdinand (1503-1564) épouse Anne de Bohême et de Hongrie. Marie (1505-1558) accepte Louis II de Hongrie et Catherine (1507-1578) le roi Jean III du Portugal.

    Carlos, rey imperador, série, Charles QuintIsabelle du Portugal, William Scrots

    En 1526, Charles Quint épouse Isabelle du Portugal, sœur du roi Jean III, après plusieurs refus. Leur première rencontre, qui a lieu à Séville, est un véritable coup de foudre, et la légende raconte que le jeune empereur aurait exigé qu’un prêtre les marie immédiatement. Le couple vivra une vraie passion, et Charles Quint sera fidèle à son épouse. On ne lui connaît des enfants illégitimes qu’avant ou après son mariage.

    6 enfants naitront de cette union, dont Philippe II (1527-1598), Marie (1528-1603) et Jeanne (1537-1573).

    Les possessions aux Amériques assurent un prestige et une rentrée d’argent importante à l’Empire de Charles Quint. Il met en place une politique de rapprochement entre les monarques, cherchant également à rassembler autour d’une Europe unique, vieux rêve de Charlemagne.

    Charles Quint abdique progressivement entre 1553 et 1556 pour laisser la main à son fils, Philippe II et à son frère Ferdinand. Il se retire dans le monastère de Yuste, d’où il menace son fils de reprendre le pouvoir lorsque ses choix le déplaisent. Il y fait également venir son fils illégitime Jérôme, qu’il fera reconnaître avant sa mort, en septembre 1558 des suites de la malaria.

    Aujourd’hui, Charles Quint est un personnage central de l’histoire. Connu pour son austérité, sa laideur et ses conflits avec François Ier, l’Empereur était donc parfait pour une série historique.

    Les palais du royaume

    Avec un territoire aussi vaste, Charles Quint a multiplié les résidences royales dans plusieurs villes stratégiques. Il s’installe avec Isabelle à l’Alhambra de Grenade, palais islamique à l’architecture exotique qui séduit déjà les grands-parents de Charles.

    L’Empereur dirige depuis Tolède, la capitale du Royaume, et possède un palais à Valladolid, dans le Nord-Ouest de l’Espagne. A Bruxelles, le Palais du Coudenberg l’accueille avec sa cour et à Malines, près d’Anvers, l’Empereur y laisse sa tante, Marguerite d’Autriche y gouverner.


    La Bourgogne

    En 1477, le duc de Lorraine et les troupes suisses tuent le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire lors du siège de Nancy. Les possessions reviennent donc à sa fille unique, Marie. Trop jeune, cette dernière ne réussit pas à contenir les troupes armées du roi de France, le blocus économique imposé par ce dernier et les révoltes des Pays-Bas bourguignons. La riche héritière choisit pour protéger ses territoires d’épouser Maximilien, le futur empereur du Saint-Empire Germanique. La défense s’organise grâce aux troupes germaniques, mais la Bourgogne restera aux mains du royaume français. C’est donc l’héritage de Marie de Bourgogne que ne cesse de revendiquer Charles Quint.

    La religion

    Au XVIe siècle, l’Europe voit apparaître de nouvelles théories, portées par Martin Luther et Jean Calvin, qui viennent ébranler la foi catholique du vieux continent.

    Les excès de la papauté, notamment le marchandage monétaire, ont lassé une partie des seigneurs d’Europe. Les nouveaux principes de ceux qu’on appellera les Réformés, plus proches des Écritures, séduisent, notamment les plus influents.

    Les princes allemands sont particulièrement réceptifs, le roi d’Angleterre se laisse séduire car les Protestants estiment que leur chef religieux n’est pas le Pape mais leur souverain. La France de François Ier, qui vit dans l’opulence de la Renaissance, fait la guerre aux premiers reformés. Charles le Quint, dont le territoire est explosé, tente tant bien que mal de maintenir les principes dictés par le Pape. L’Espagne a été reconquise et réévangélisée par sa grand-mère, qui a bouté les arabes et les juifs hors de la Péninsule, ne veut pas connaître une nouvelle invasion. L’Empereur chasse ainsi les hérétiques sans relâche durant son règne, grâce en partie à l’Inquisition, instaurée sous Isabelle la Catholique.

    L’Espagne de Charles Quint

    En 1492, Grenade tombe aux mains des espagnols, après 5 siècles d’occupation. En 1512, la Navarre est rattachée à la couronne castillane. L’Espagne, de nouveau catholique, accepte mal les idées de la Renaissance et reste dans une rigueur et une dévotion médiévale.

    Pourtant, la modernité est en marche. Le pays, puis l’Empire, jouissent d’un fort développement rural, auquel s’ajoute un rayonnement militaire et monétaire.

    Charles Quint se retrouve à la tête d’un État qui regroupe plusieurs populations, de traditions diverses et une réelle autonomie administrative dans chaque région. Le jeune roi, qui ne parlait pas espagnol à son arrivée, s’imprègne de la culture locale de la Castille, la plus grande région d’Espagne. Il valorise la culture et la langue, qui donnera naissance à l’Espagne moderne.

    L’Empereur, malgré son côté austère, profite du climat artistique particulièrement riche, en partie grâce aux échanges avec l’Italie. Le XVIe siècle est celui de Lope de Vega, Miguel de Cervantès et son Don Quichotte, un des premiers romans paru en Europe. Côté peinture, le siècle voit le passage du style médiéval aux prémices maniéristes de Luis de Morales au Maniérisme finissant mêlé à la tradition byzantine de El Greco. Avec Charles le Quint, l’Espagne entre dans le Siècle d’Or.

    Carlos, rey imperador, série, Charles QuintSaint Etienne, Luis de Morales

    Carlos, rey imperador, série, Charles QuintL’enterrement du comte d’Orgaz, El Greco, 1586, 1588, Tolède

    Le Nouveau Monde

    Lorsque Charles Quint monte sur le trône, les Indes d’Amérique existent depuis une trentaine d’année. Les espagnols profitent largement de la découverte de Christophe Colomb faite pour le compte de la Couronne. Deux fronts sont alors en cours dès 1521 : Hernan Cortès qui avance mais règne également dans les terres du Mexique, de l’Amérique Centrale et le Sud des Etats-Unis, et Francisco Pizarro, qui soumet l’Empire Inca et son roi, Tahuantinsuyu.

    En 1522, Juan Sebastian Elcano installe les espagnols aux Philippines. En 1536, Pedro de Mendoza fonde la ville de Buenos Aires en actuelle Argentine.

    Charles Quint aimait à dire que le soleil ne se couchait jamais sur son empire, tant ce dernier était étendu. Les conquistadors exploitent le Nouveau Monde, à la recherche d’or et de pierres précieuses, et réduisent en esclavage les autochtones. Pendant plusieurs décennies, les indiens ne sont pas considérés comme des hommes, mais comme des « sauvages » que les prêtres évangélisent sans aucun scrupule jusqu’en 1550 et la Controverse de Valladolid.

    Le dominicain Bartolomé de las Cassas alerte les autorités impériales du traitement des amérindiens. Il accuse les colons de dominer et de maltraiter les amérindiens.

    Charles Quint, qui avait interdit en 1526 l’esclavage des autochtones, convoque à Valladolid des spécialistes et des religieux pour débattre du traitement et de la légitimité des espagnols sur le Nouveau Monde. Après des échanges virulents, les deux partis sont annoncés vainqueurs. L’exploitation reprend donc.

    La série

    Ce qui fonctionne

    Découpé en 17 épisodes d’environ une heure, la série Charles Quint ne se limite pas à son royaume ni à son empire. Elle met également en avant les autres protagonistes de l’époque, Henri VIIIe et François Ier. Ce développement triangulaire permet à l’intrigue d’avancer sans perdre le téléspectateur. Certes, l’image de notre roi de France en prend un coup, tant ce dernier est détestable, face à un Charles Quint si sage malgré son jeune âge.

    La série est en effet assez juste historiquement. Certains éléments sont fictifs pour aider aux transitions nécessaires, mais les scénaristes ont fait appel à des historiens pour restituer une biographie fiable.

    En plus de la véracité historique, la série a su jouer intelligemment sur les prises de vue, les décors, les costumes et sur le vieillissement des personnages, même si le temps semble avancer par à-coup : le physique de Charles Quint, le ventre d’Isabelle ou les constructions en Amérique.

    Ce qui ne fonctionne pas

    Comme jamais rien n’est parfait, on peut souligner que la série est relativement lente. Malgré les intrigues, malgré la violence dans les scènes du Nouveau-Monde, la série est assez plate. C’est le reproche qui a été fait par les espagnols à la série, qu’ils ont boudé.

    Certains éléments sont également peu clairs : les alliances avec la papauté, les coups-bas avec la Navarre. La série requiert de déjà connaître quelques éléments historiques.

    Carlos, rey imperador, série, Charles QuintCharles Quint, Barend van Orley

    Dernier point : les acteurs sont très beaux, et n’ont malheureusement rien à voir avec la réalité connue. On sait que Charles Quint avait un menton si proéminent qu’il ne pouvait pas fermer la bouche.

    DIAPORAMA Réalité/Fiction

    Inédite en France, la série a énormément de qualité, et on oublie très rapidement ces petites imperfections.

    On mate et si on parle espagnol, on retrouve l’intégralité de la série ici !




    http://www.clio.fr/bibliotheque/l_espagne_de_charl...

    https://www.elrincondesele.com/tras-las-huellas-del-emperador-carlos-v-flandes/

    http://laguiatv.abc.es/tops/20150914/abci-gazapos-historicos-serie-carlos-201509132006_8.html

    http://www.lepoint.fr/politique/francois-ier-charles-quint-un-duel-sanglant-29-11-2012-1694534_20.php

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Quint

    Les Empires de Charles Quint, Grégoire Salinero, Ellipes, 2006

    L’Espagne au XVIe siècle, Joseph Perez, Armand Colin, 1998

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